
Maître Kanryo Higaonna : Pionnier du Naha-te et précurseur du Goju-Ryu
Une vie entre Okinawa et la Chine
Kanryo Higaonna (1853-1915), parfois appelé Higashionna, est l’une des figures majeures de l’histoire du karaté d’Okinawa. Né à Naha dans une famille modeste mais d’ascendance noble, il découvre très jeune l’art martial local, le « Te », auprès de maîtres d’Okinawa comme Seisho Aragaki. Fasciné par les récits de son père sur la Chine, il embarque adolescent sur des jonques marchandes et, à l’âge de 20 ans, part pour la province du Fujian, en Chine, afin d’approfondir sa pratique martiale.
En Chine, il devient l’élève de plusieurs maîtres, dont le célèbre Ryu Ryu Ko (Xie Zhongxiang), expert du style de la Grue blanche, et acquiert une connaissance approfondie des arts martiaux chinois, de la médecine traditionnelle et des méthodes de conditionnement du corps. Il séjourne plusieurs années à Fuzhou, où il étudie également d’autres écoles de boxe du sud de la Chine, notamment le Shaolin Quan méridional.
Retour à Okinawa et naissance du Naha-te
De retour à Okinawa vers 1885, Higaonna fonde son propre dojo à Naha et commence à enseigner ce qui deviendra le Naha-te, un style qui intègre la rigueur du Te d’Okinawa et la richesse technique des boxes chinoises. Son enseignement se distingue par la combinaison unique de techniques dures (go) et souples (ju), une caractéristique qui inspirera plus tard la création du Goju-Ryu par son élève Chojun Miyagi.
Higaonna est réputé pour sa force physique, sa puissance statique et ses qualités pédagogiques. Il enseigne d’abord à la cour, puis à la population locale, formant un cercle restreint de disciples qui deviendront à leur tour des maîtres influents : Chojun Miyagi, Kenwa Mabuni, Kyoda Shigehatsu, Koki Shiroma, Higa Seiko, entre autres.
Les kata introduits par Kanryo Higaonna
L’apport technique de Higaonna à la tradition d’Okinawa est immense. Il introduit et structure plusieurs kata majeurs, issus de son apprentissage en Chine, qui deviendront le socle du Naha-te puis du Goju-Ryu :
- Sanchin : kata fondamental de respiration, de posture et de force interne, emblématique de son enseignement. Higaonna était célèbre pour la puissance de son Sanchin, au point que le sol en bois de son dojo chauffait sous la pression de ses pieds25.
- Sanseru, Seisan, Seiyunchin, Shisochin, Saifa, Kururunfa, Sepai, Suparinpei : ces kata, d’origine chinoise, sont introduits ou adaptés par Higaonna. Ils couvrent un large éventail de techniques, de stratégies et de principes énergétiques, et constituent aujourd’hui le cœur du curriculum du Goju-Ryu et du Naha-te.
- Applications et bunkai : Higaonna insiste sur la compréhension profonde des mouvements, la pratique du bunkai (applications martiales des kata) et l’intégration de la respiration et du travail interne.
Héritage
Maître Kanryo Higaonna meurt en 1915, laissant derrière lui une tradition vivante et une lignée de disciples qui vont façonner le karaté moderne. Son élève Chojun Miyagi fondera le Goju-Ryu, perpétuant l’esprit et les kata transmis par Higaonna, tandis que d’autres élèves influenceront la création du Shito-Ryu et du Ryuei-Ryu.
Kanryo Higaonna reste une référence incontournable pour tous les pratiquants de Goju-Ryu et de karaté traditionnel, symbole d’une synthèse réussie entre l’héritage d’Okinawa et la richesse des arts martiaux chinois.